L’institut Éléazar

 

Dix Questions à Serge Caillet concernant l’Institut Eléazar.

 

       1. Quel est l’objet de l’Institut Eléazar ?

L’Institut Eléazar peut se définir comme une école de martinisme dont l’objet est de préserver l’héritage transmis par Martines de Pasqually, Louis-Claude de Saint-Martin, qui sont les deux grandes « lumières » du martinisme, mais aussi Jean-Baptiste Willermoz, et leurs disciples jusqu’aujourd’hui ; d’étudier ce dépôt traditionnel et de le diffuser ensuite, notamment au moyen de cours par correspondance et de séminaires.
Ces cours et ces séminaires sont ouverts à celles et à ceux qui bien souvent suivent par ailleurs une voie initiatique – peu importe laquelle – mais aussi à celles et ceux qui sont réfractaires à toute forme sociale d’initiation. Fidèle à l’esprit de Saint-Martin, on peut en effet vouloir étudier la tradition martiniste sans se rattacher pour autant à quelque organisation initiatique que ce soit.

       2. Comment est né l’Institut Eléazar ?

Parce que j’avais moi-même souffert de l’absence d’une véritable école de martinisme dans mes propres études, en 1990, j’ai eu l’idée d’écrire un cours de martinisme, ouvert à tous sans distinction, et capable d’expliquer non seulement dans les grandes lignes, mais souvent aussi dans le détail, en quoi consiste la doctrine de la réintégration.
Je m’en suis naturellement ouvert à mon maître et ami Robert Amadou qui m’encouragea aussitôt à réaliser ce désir. Dans le même temps, alors que je n’avais pas même écrit le premier cahier, il en fit l’annonce dans ses fameux « Carnets » de la revue l’Autre monde, et, compte tenu d’une telle caution, les demandes commencèrent à arriver, montrant aussi que nous ne nous étions pas trompés quant à la nécessité de ce cours.
Afin de répondre à ces demandes, il fallait se mettre au travail ! Je me suis donc mis à rédiger une synthèse de la doctrine de Martines de Pasqually, sous la forme de cahiers consacrés chacun à un thème. Ces cahiers ont été ensuite diffusés par correspondance à qui en faisait la demande, qu’il s’agisse de membres d’ordres martinistes, de francs-maçons du rite écossais rectifié en quête des sources originales de Jean-Baptiste Willermoz, ou d’hommes et de femmes de désir volontairement solitaires et inconnus.

       3. En quoi cet enseignement diffère-t-il de celui de certains ordres martinistes ?

Certains ordres martinistes proposent aujourd’hui à leurs membres des cours par correspondance, qui, pour la plupart, sont consacrés à des sujets très divers. Depuis peu, quelques-uns de ces ordres proposent aussi une véritable approche de l’œuvre de Martines de Pasqually et de Louis-Claude de Saint-Martin. Il faut naturellement s’en réjouir, mais, curieusement, c’est un phénomène assez nouveau ! Peut-être l’Institut Eléazar y est-il d’ailleurs pour quelque chose, car lorsqu’il a été fondé, en 1990, aucun groupe, à ma connaissance, ne proposait un tel enseignement, et ce fut là l’une des raisons qui me poussèrent à écrire et à diffuser ces cours, avec les encouragements et la caution de Robert Amadou.
Depuis, je n’ai pas cessé d’approfondir ces études et d’en faire bénéficier les étudiants de l’Institut Eléazar, ce qui, à ma connaissance, ne se fait nulle part ailleurs. Du reste, cette étude approfondie de l’œuvre de Martines de Pasqually et de Louis-Claude de Saint-Martin est aujourd’hui devenue une œuvre collective. En dehors de tout clivage initiatique, des étudiants de toutes origines y travaillent avec moi et nous faisons ainsi avancer la recherche pour le bénéfice de tous, répondant à l’un des buts fondamentaux de l’Institut.

       4. Pourquoi avoir choisi le nom d’Institut Eléazar ?

Il existe depuis longtemps une Société des Amis de Louis-Claude de Saint-Martin, aujourd’hui très académique. Il existe aussi, depuis une dizaine d’années, une Société Martines de Pasqually, qui publie un Bulletin fort intéressant. Il existe naturellement de nombreux ordres martinistes. Sans oublier le Centre international d’études et de recherches martinistes (CIREM) qui a notamment publié jusqu’à ces dernières années la revue l’Esprit des choses, incontournable pour qui s’intéresse au martinisme.
Il s’agissait pour moi à la fois de distinguer l’Institut des cercles d’instituteurs – comme aurait dit Saint-Martin – et des cercles proprement initiatiques, en rendant un juste hommage aux deux théosophes du XVIIIe siècle et en se plaçant sous leur illustre patronage. Car il ne s’agit pas de bavarder sur l’œuvre de Martines et de Saint-Martin, il s’agit d’entendre leur voix et de les suivre sur la voie !
Dans son roman épico-magique intitulé Le Crocodile ou la guerre du bien et du mal, Saint-Martin campe un personnage singulier nommé Eléazar, qui sans doute emprunte beaucoup de traits à Martines de Pasqually, le premier maître de Saint-Martin. L’idée m’est venue de placer l’institut sous le patronage de ce personnage de roman, ce qui était à la fois une façon de dépersonnaliser – car la Tradition est universelle – et de montrer que nous ne nous prenions pas trop au sérieux, tout en posant une énigme que les amateurs de Martines et de Saint-Martin ont naturellement vite résolue. Mais cette énigme est, si je puis dire, à tiroir. Elle renvoie elle-même à une autre, car le Philosophe inconnu, abreuvé par l’Ecriture, n’a pas lui-même choisi le nom de son personnage par hasard. Eléazar est un personnage important de l’Ancienne Alliance. Enfin, il existe un saint Eléazar, martyrisé à Lyon dans les premiers temps du christianisme…

       6. L’Institut Eléazar n’est-il pas un nouvel ordre martiniste ?

Il y a tant d’ordres martinistes qu’il n’était pas nécessaire d’en fonder un nouveau ! Du reste, ce qui caractérise les ordres martinistes, outre le fait qu’ils proviennent tous – je dis bien tous – médiatement ou immédiatement, de l’Ordre martiniste premier du nom fondé par Papus, c’est la transmission d’une initiation rituelle qui, elle aussi, remonte d’ailleurs à Papus.
Or l’Institut Eléazar n’est pas une société initiatique, et il ne confère par conséquent aucune initiation rituelle. C’est une première différence fondamentale. Ensuite, l’Institut ne propose aucun travail rituel, collectif ou individuel. C’est une seconde différence capitale.
Dans l’époque troublée que nous vivons, où tout enseignement traditionnel est marginal, quand il n’est pas suspect, la tradition martiniste, sous ses aspects multiples, est bien capable d’aider à vivre les hommes et les femmes de désir, de les aider à cheminer sur une voie. A sa façon, l’Institut Eléazar y contribue sans doute en les aidant à aborder l’œuvre difficile de Martines et de Saint-Martin, comme y contribuent aussi à leur façon des ordres martinistes et des sociétés initiatiques.

       7. A qui les cours de l’Institut Eléazar sont-ils destinés ?

Tous les martinistes devraient étudier la doctrine de la réintégration, la théosophie, disons l’ésotérisme judéo-chrétien transmis par Martines et Saint-Martin. D’autant qu’il est facile aujourd’hui d’accéder aux ouvrages fondamentaux jadis introuvables ou inconnus, la plupart inlassablement publiés pour la première fois ou réédités par Robert Amadou depuis les années 1950.
Beaucoup ne le font pas et se contentent de vivre le martinisme dans l’ambiance fraternelle de leur ordre, et de se comporter en chrétien dans le monde moderne. C’est déjà beaucoup, n’est-ce pas !
Mais pour quelques-uns, la foi peut être couronnée en gnose, comme dit Clément d’Alexandrie. Ceux-là, celles-là qui souhaitent aller plus loin dans l’apprentissage de la doctrine, sont demandeurs d’une formation plus solide. Ils veulent savoir précisément ce qu’ont enseigné Martines de Pasqually, Saint-Martin, Willermoz. Ils veulent pouvoir lire et comprendre leurs œuvres qui sont en effet souvent d’un abord difficile. C’est à eux, principalement, que sont destinés les cours de l’Institut Eléazar.
Il est vrai que ces auteurs ne sont pas à la portée du premier venu. Il faut les mériter, je veux dire que toute étude traditionnelle implique nécessairement un apprentissage qui, bien souvent, est long et difficile. Il ne faut pas ménager ses efforts. Les écrits traditionnels, les auteurs traditionnels sont par définition… hermétiques ! Mais les cours sont destinés à tous. Naturellement, mieux vaut avoir commencé à lire Saint-Martin ou Martines avant. On sera sans doute déjà quelque peu familiarisé avec leur langage. Mais les cours de l’Institut Eléazar sont là, avant tout, pour aider à la découverte de la tradition martiniste. Ils viennent en accompagnement, ou en introduction à l’étude de la doctrine des deux théosophes.
La plupart de nos étudiants ou de nos auditeurs appartiennent déjà à un ou plusieurs ordres initiatiques et viennent chercher à l’Institut une formation complémentaire ; d’autres, moins nombreux, sont réfractaires à toute forme sociale. Naturellement, les uns et les autres y sont admis et considérés sur un pied d’égalité.
Saint-Martin est-il compréhensible sans connaître le système de Martines de Pasqually ?
D’abord, une remarque liminaire : la connaissance de la doctrine réelle du martinisme est indispensable à ceux qui veulent s’engager sur la voie de la théurgie cérémonielle de Martines, c’est évident.
Mais il faut bien comprendre qu’elle est tout aussi indispensable à celles et ceux qui veulent suivre Saint-Martin dans la voie cardiaque, comme disait Papus, qui est la voie de la théurgie selon l’interne. On ne le dira jamais assez : impossible de comprendre Saint-Martin sans Martines, impossible de lire Saint-Martin et d’en tirer tout le bénéfice sans avoir lu Martines. Car bien souvent, ne serait-ce que par respect de ses serments chez les élus coëns, Saint-Martin s’avance masqué. Il faut le lire entre les lignes.
Martines de Pasqually, c’est la principale source de Saint-Martin, et, comme il le disait si bien lui-même, son « premier maître ».

       8. Quel a été le rôle de Robert Amadou dans la naissance de l’Institut Eléazar ?

La Providence a voulu que nous nous rencontrions, il y a quelque vingt ans, alors que j’étudiais la tradition rosicrucienne et l’alchimie. Je venais de lire La Rose-Croix dévoilée de Christopher MacIntosh, dont Robert Amadou avait préfacé l’édition française. Cette préface m’ouvrait des horizons nouveaux. Je lui ai écrit, il m’a répondu et nous avons commencé à correspondre très régulièrement. Puis Robert souhaita me rencontrer et je fis le voyage à Paris où, à la demande de Robert, j’assistais au baptême, célébré par lui, d’une petite fille dont le parrain était Philippe Encausse. Ce jour-là, Robert me présenta donc à Philippe Encausse et à Antoine Abi Acar, qui dirigeait les Editions Cariscript, bien connues des martinistes. Peu de temps après, Robert et Antoine m’offraient la possibilité de publier mes premiers travaux chez Cariscript.
Je ne dirais jamais assez combien je suis redevable à Robert Amadou, non seulement de m’avoir montré et ouvert la voie, de m’avoir ouvert tant de portes, et pas seulement dans le monde du martinisme, mais encore de n’avoir cessé depuis de m’accompagner sur le chemin.
Il n’y a pas de plus grand spécialiste du martinisme. Il fut enthousiaste lorsque je lui parlais de mon projet et m’encouragea, comme je l’ai dit, à le réaliser sans attendre. Ce fut pour moi un immense honneur et une grande joie de le voir ensuite accepter la présidence d’honneur de l’Institut.

       9. Comment se situe l’Institut Eléazar par rapport à la pratique de la théurgie ?

La théurgie – qu’il s’agisse de la théurgie coën, de la voie cardiaque qui relève de la théurgie interne, ou de pratiques similaires inhérentes à d’autres traditions – exige une élection, une habilitation, qui peut être donnée au sein d’une organisation initiatique, sous la forme d’initiations ou d’ordinations spécifiques, ou en dehors de toute organisation, sous la forme d’une grâce particulière.
Il est évident que l’Institut Eléazar ne saurait habiliter, ni d’ailleurs encourager, ni d’ailleurs décourager, qui que ce soit dans une pratique théurgique, quelle qu’elle soit. Libre donc à celles et à ceux qui suivent les cours de l’Institut d’appartenir par ailleurs à un ordre initiatique les habilitant à une pratique théurgique. Cela ne nous concerne aucunement. La doctrine est une chose, la pratique en est une autre. Si l’Institut a acquis très vite une certaine renommée dans la transmission didactique de la doctrine martiniste, tout ce qui relève d’une pratique théurgique lui est totalement étranger. Dès sa fondation, en 1990, j’ai tenu à ce qu’il n’y ait jamais de confusion à ce sujet. A chacun sa vocation.
Maintenant, l’enseignement de Martines et même celui de Saint-Martin, relayés par l’Institut, peuvent-ils aider à une pratique théurgique traditionnelle ? Certainement, dans la mesure ou toute pratique repose sur une théorie, toute théurgie repose sur une théosophie. Il y a donc parmi les étudiants de l’Institut des hommes et des femmes dont l’apprentissage de cette théosophie complète une pratique théurgique qu’ils conduisent dans les cercles initiatiques qu’ils fréquentent. Mais ceci est leur « grande affaire » personnelle – comme aurait dit Saint-Martin, pas celle de l’Institut.

       10. Comment étudie-t-on exactement à l’Institut Eléazar ?

D’abord, on y étudie le martinisme ! Comment ? Toute personne intéressée en fait la demande, le plus souvent par le formulaire en ligne sur Internet. Deux chois sont possibles :
– le statut d’auditeur libre permet de recevoir les cours sans avoir de devoirs à rendre ;
– le statut d’étudiant permet de recevoir, avec les cours, des sujets de travail personnalisés (un par cahier) qui lui sont ensuite retournés, corrigés et annotés. Chaque étudiant choisit son rythme d’étude, en fonction de sa volonté ou de sa disponibilité. Une totale liberté est laissée aux étudiants dans leurs études : certains étudient le cours en quelques mois, d’autres en quelques années. Dans tous les cas, j’accompagne personnellement chaque étudiant tout au long de ses études.
Chaque cycle comprend dix cahiers et il est prévu qu’il y ait quatre cycles en tout. Le premier et le second cycles sont consacrés à la doctrine de Martines de Pasqually, mais Saint-Martin n’y est pas absent, loin de là ! Le troisième cycle abordera des points spécifiques qui distinguent Saint-Martin de Martines, notamment la christologie, et l’influence de Jacob Boehme sur le Philosophe inconnu Le quatrième, enfin, sera consacré à ce que l’on peut appeler la tradition secrète des apôtres, c’est-à-dire à un enseignement traditionnel dispensé à l’intérieur même de l’Eglise primitive, une et indivise, mais réservé à quelques-uns, ce dont témoigne par exemple l’Evangile secret de Marc, aujourd’hui perdu. Or, je crois que cet enseignement n’est pas sans rapport avec celui de Martines et de Saint-Martin.
Depuis quelques années, l’Institut Eléazar propose également des séminaires, en rapport avec les thèmes abordés dans les différents cycles.
Enfin, une liste de diffusion Internet permet aux étudiants et auditeurs de recevoir, presque quotidiennement, des informations en rapport avec leurs études, de partager des découvertes ou des interrogations, et de suivre les activités de l’Institut.
Ces dix questions reprennent, sous une forme revue, corrigée et augmentée, l’essentiel des propos d’un entretien mis en ligne, depuis mai 2001, sur le site Internet www.france-spiritualites.com, dans la rubrique consacrée à l’Institut Eléazar.